CONFÉRENCE 2 : Serge SAGNA Université de Manchester
Les langues africaines dans l’éducation : un cœur relégué à la périphérie du corps des systèmes éducatifs
Les langues officielles d’origine européenne, telles que le français, le portugais et l’anglais, sont généralement perçues comme des instruments incontournables pour accéder à une éducation de qualité. Ces perceptions se fondent sur des mythes entretenus depuis l’école coloniale, malgré l’existence de nombreuses études en sciences du langage qui démontrent que les langues des enfants africains constituent des outils privilégiés pour un meilleur accès aux connaissances (Bamgbose 1991; 2000; Djité 2008; UNESCO 1953; UNESCO 2016).
Le but de cette communication est d’abord de briser les mythes selon lesquelles les langues africaines sont inadaptées, voire inadaptables à l’éducation formelle. Nous partons d’une approche théorique dans le domaine des études en politiques linguistiques qui postule qu’une langue est un code avec plusieurs facettes : la forme, la fonction et la valeur. L’école bilingue fondée à Saint Louis du Sénégal en 1817 est utilisée comme point départ pour présenter les études qui montrent que les langues africaines devraient servir de moteur pour une meilleure formation des futures élites.
Nous portons ensuite un regard critique sur les choix de politiques linguistiques éducatives d’états Africains qui, lorsqu’ils ne reproduisent pas les schémas coloniaux d’aménagement linguistique, se limitent à des discours d’intentions, où à introduire des langues mal préparées à l’enseignement dans les systèmes éducatifs.
Nous présentons certains des nombreux défis auxquels font face les projets d’intégrations des langues africaines dans les systèmes éducatifs. Ceux-ci incluent, l’ignorance des élites intellectuelles et politiques de ce que sont les sciences du langage et de leur utilité dans l’éducation de base, l’absence de financement pour la recherche et la description des langues, la formation des enseignants, la production de matériel didactique dans les langues locales, surtout celles minoritaires, mais aussi la méconnaissance du rôle crucial des attitudes linguistiques pour la réussite des projets d’intégration des langues des enfants dans l’éducation.
- References
Bamgbose, Ayo. 1991. Language and the nation. The language question in Sub-Saharan A
frica. Endinburgh: Endinburgh, University.
Bamgbose, Ayo. 2000. Language and exclusion: the consequences of language policies in
Africa. Beiträge zur Afrikanistik ; band 12. Hamburg; London: LIT.
Djité, Paulin G. 2008. The sociolinguistics of development in Africa. Clevedon, England, Buffalo: Multilingual Matters.
Sagna, Serge & Abbie Hantgan. 2021. African multilingualism viewed from another angle:
Challenging the Casamance exception. International Journal of Bilingualism. SAGE Publications Ltd 25(4). 939–958. https://doi.org/10.1177/13670069211023146.
UNESCO. 1953. The use of the vernacular languages in education. Monographs on Foundations of Education, No. 8. Paris: UNESCO.
UNESCO. 2016. If you don’t understand, how can you learn? Paris: Global Education
Monitoring Report Team, Policy paper 24. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf00002437 13. (16 March, 2022).
Biographie :
Serge SAGNA est actuellement enseignant-chercheur à l’Université de Manchester (Grande-Bretagne). En 2001, il a obtenu sa Maîtrise de Linguistique Anglaise à l’UGB de SaintLouis. En 2002, il obtient une Maîtrise de Linguistique Anglaise à l’université Paris 7 et entama en 2003 un DEA en linguistique africaine toujours à Paris 7. Avant fin 2003, il obtient une bourse de Ph.D pour Londres à la Endangered Languages Academic Programme de la School of Oriental and African Studies (SOAS), University of London, où il se consacre à la description, à la documentation et à la revitalisation des langues en danger. En 2008 il obtient son doctorat en linguistique, à la SOAS University of London avec comme principal domaine de recherche le jóola Eegimaa/banjal parlé dans les dix villages de Mof-Ávvi (Commune d’Enampore). De 2008 à 2011 il est postdoctorant en documentation linguistique avec un financement du Endangered Languages Documentation
Project (ELDP). Entre 2011 et 2012, il est enseignant-chercheur en linguistique typologique et langues non-européennes à l’université de Manchester. De 2012 à 2015 il est postdoctorant en linguistique typologique à l’Université de Surrey, financé par le Economic and Social Research Council (ESRC). Entre 2017 et 2021 il fait un postdoctorat en acquisition du langage par les petits enfants de 1 an 10 mois à 4 ans, financé par la ESRC. Depuis 2021 il est enseignant-chercheur à l’université de Manchester où il enseigne actuellement la politique linguistique, l’aménagement linguistique, le multilinguisme sociétal, la méthodologie de recherche en terrain multilingue, entre autres.
Ses recherches actuelles portent sur la description et la documentation de langues minoritaires, sur l’acquisition du langage (petite enfance) sur les politiques linguistiques éducatives en L1, le multilinguisme et la vitalité linguistique et les attitudes linguistiques.